L’histoire de la construction de Puerto Madero à Buenos Aires est à la fois intrigante et captivante. Ce quartier emblématique de la capitale argentine, aujourd’hui célèbre pour son mélange unique d’architecture moderne et de vestiges historiques, a connu une transformation impressionnante au fil des années. Cependant, derrière son apparence actuelle se cache une histoire curieuse, complexe et controversée de développement urbain, de projets ambitieux et de corruption.
Les Origines Maritimes
Au XIXe siècle, Buenos Aires était un important port de commerce, reliant l’Argentine au monde. Cependant, à mesure que les bateaux modernes devenaient plus grands et nécessitaient des installations portuaires plus avancées, le port traditionnel de la ville montrait des signes de surpopulation et d’obsolescence. C’est à ce moment-là que naquit l’idée de créer un nouveau port qui pourrait répondre aux besoins croissants de la ville.
La ville commença à se développer très rapidement et ne disposait que de trois quais (celui de la Douane, celui des Passagers et celui de Catalinas) qui étaient à peine suffisants. La plupart du temps, la cargaison et les passagers continuaient d’utiliser d’énormes chariots qui pénétraient dans la rivière tirés par des bœufs, tout comme à l’époque de la colonie.
Le Projet Ambitieux
Face à ce besoin, l’idée de rénover le port avec une nouvelle construction qui fournirait le support nécessaire à un monde régi par la révolution industrielle fut proposée. Beaucoup des projets présentés étaient coûteux et étaient constamment rejetés.
Cependant, l’un d’entre eux trouva la faveur des autorités. Il s’agissait du projet de l’ingénieur Luis Huergo, le premier ingénieur diplômé de l’Université de Buenos Aires. Il s’opposait à l’idée de projets pharaoniques et proposait d’avancer par petites étapes, en développant les travaux au fur et à mesure que cela serait nécessaire. Il croyait que la meilleure option était de commencer par développer le port naturel de la ville : le Riachuelo.
Huergo parvint à convaincre le gouvernement provincial et national d’allouer de petites sommes budgétaires pour les travaux sur le Riachuelo. Il chercha à approfondir le bassin et à ouvrir un petit canal. Le résultat de ces travaux fut un succès total.
Entre 1876 et 1878, le Riachuelo atteignit une profondeur suffisante pour accueillir les premiers navires d’outre-mer.
Fort de son succès, Huergo présenta son projet global en 1881. Son idée était d’étendre la zone portuaire vers le nord, d’approfondir davantage le canal d’accès et de construire une série de points d’amarrage en forme de peigne pointant vers la rivière.
Ce projet trouva un rival qui n’avait aucune similitude. Au contraire, il était totalement opposé. Il appartenait à l’homme d’affaires Eduardo Madero, qui travaillait avec la société d’ingénierie britannique Hackshaw, Son & Hayter. Son projet était de construire une série de Docks enchaînés avec des écluses à chaque extrémité. Nous joignons un dessin pour que vous puissiez voir à première vue à quel point c’était différent.
Les coûts du projet de Madero étaient très élevés et il faisait l’objet de nombreuses critiques de la part de spécialistes du domaine. Par exemple :
- L’ingénieur John Hackshaw était un ingénieur anglais réputé, mais son expérience se limitait aux chemins de fer.
- Dans le monde, on cessait déjà d’utiliser le système de docks.
- Son coût était excessivement élevé,
- Les docks offraient moins d’espace pour l’amarrage des navires et toute extension future était complexe et coûteuse.
- Un autre problème était le système d’écluses proposé. Les ports qui les utilisent sont situés dans des zones où il y a une grande variation des marées, et seules les portes peuvent maintenir un niveau d’eau constant. L’estuaire du Rio de la Plata ne produit pas une marée justifiant l’utilisation d’écluses.
La différend entre ces deux camps fut féroce et dura plusieurs années. Chacun dénonça l’autre, la presse prit rapidement parti, et des experts nationaux et étrangers débattirent vivement des avantages de chaque modèle.
Tout projet choisi devait être approuvé par le Département des Ingénieurs, dirigé par l’ingénieur Guillermo White, qui partageait les idées de Huergo. Tout indiquait que le projet le moins coûteux et le plus utile pour l’époque et l’avenir était celui de Huergo, le célèbre port en forme de peigne.
Madero a gagné avec son projet de construction de Puerto Madero, ¿?
L’explication peut être simple et triste à la fois. À l’époque, il fallait déterminer à qui appartenait la ville et le port. La transformation de Buenos Aires en capitale fédérale fut concrétisée et le gouvernement national poursuivit l’objectif de moderniser le port. Étonnamment, ils soutinrent le projet de Madero, avec le système d’écluses, et sachant qu’il ne serait pas approuvé par le département des ingénieurs, ils créèrent une commission de trois membres en collaboration avec le chef du département. Résultat : il fut approuvé.
Mais pourquoi cela s’est-il passé ?
Il se trouve que le vice-président de la République devint Francisco Bernabé Madero, oncle d’Eduardo Madero …
L’obsolescence programmée n’est pas une invention du XXIe siècle
Les travaux pour la construction de Puerto Madero commencèrent en 1887. À ce moment-là, la compagnie avait apporté de nombreux changements au projet, réduisant la valeur des matériaux sans réduire le coût total. De plus, au milieu de la construction, ils demandèrent plus d’argent à l’État.
Finalement, les travaux furent terminés en 1898. Des 20 millions de Pesos Fuertes prévus (monnaie de l’époque), les coûts dépassèrent les 50 millions.
Avec la construction finie, le travail portuaire commença, et en 1907, le président détermina qu’un nouveau port moderne était nécessaire. Quel projet fut accepté ? Celui de Huergo avec le système de peigne et des bassins ouverts. Finalement, le Puerto Madero fut abandonné en 1925, après seulement 34 ans d’exploitation.
Carte de Puerto Madero :
En 1930, la construction du nouveau port, Puerto Nuevo, était déjà achevée et se poursuit jusqu’à ce jour. De l’autre côté, le Puerto Madero est resté un triste souvenir.
Carte de Puerto Nuevo :
Le Puerto Madero d’aujourd’hui, recyclage.
En 1989, la Corporación Antiguo Puerto Madero a été créée dans le but de recycler la zone portuaire abandonnée. Il s’agissait d’un scandale de corruption à cause de la vente de terrains à des prix dérisoires à des hommes d’affaires amis de la politique.
Cependant, grâce à cette transformation qui a commencé dans les années 1990, aujourd’hui, Puerto Madero est devenu un symbole de la modernité et du renouveau à Buenos Aires. Les anciens entrepôts ont été restaurés et réaménagés en appartements de luxe, en bureaux et en espaces commerciaux. Les quais ont été transformés en promenades pittoresques offrant une vue imprenable sur le fleuve Rio de la Plata. L’architecture mélange habilement des éléments historiques avec des designs contemporains, créant une ambiance unique qui attire les visiteurs du monde entier.
Puerto Madero est un must pour tout touriste qui veut visiter la ville. Nous avons plusieurs articles avec des conseils sur la façon de visiter la ville. Nous vous recommandons de lire l’article QUE FAIRE À BUENOS AIRES EN 3 JOURS où vous pourrez voir un itinéraire suggéré pour vous de le faire vous-même.
Il existe de nombreux bâtiments d’où vous pouvez obtenir des vues aériennes de Puerto Madero. Cependant, la plupart d’entre eux sont des bars sur le toit et vous devez consommer pour entrer. Le seul point panoramique gratuit est depuis la terrasse du CENTRE CULTUREL KIRCHNER. Accédez au site officiel pour vérifier les heures d’ouverture qui peuvent varier tout au long de l’année.
Curiosité … bizarre
C’est peut-être un paradoxe, peut-être pas…. Aujourd’hui, une avenue en face de Puerto Madero porte les deux noms des hommes qui étaient dans cette dispute. Vers le nord le nom est Ingénieur Huergo et vers le sud Eduardo Madero.
domage